vendredi 12 septembre 2014

Le FN et la Ligue de Défense Juive sont extrêmement proches

 Le FN et la Ligue de Défense Juive sont extrêmement proches !

 jeu, 11/09/2014 - 09:34 |  

L’actualité de l’été a été marquée par les bombardements israéliens dans la bande de Gaza. Ce conflit a également eu des retentissements en France, avec des manifestations et mobilisations – dont certaines interdites par les autorités, surtout à Paris - tout au long du mois de juillet, et quelques unes au mois d’août. Si la majorité des manifestations avait pour objet de soutenir les Palestinien-ne-s, des rassemblements favorables à l’Etat d’Israël ont également été organisés, notamment à l’appel du CRIF. VISA, en regardant de près les agissements des forces d’extrême droite pendant cette période, livre son analyse au travers de deux sujets :

1/Le positionnement des principales organisations d’extrême droite française
2/ La nature historiquement violente de la LDJ.

Le FN, Israël et la Palestine

Le Front national est souvent gêné à ce propos, parce que plusieurs courants ou « sensibilités » coexistent en son sein. Ainsi les courants ayant un fort héritage colonial, tels que les pro-OAS et plus largement les nostalgiques de l’« Algérie française » (auxquels appartient parmi d’autres Louis Aliot, vice-président du FN et compagnon de sa chef), sont souvent marqués par un tropisme pro-israélien.
Mais d’autres courants, à sensibilité plutôt « nationaliste-révolutionnaire », peuvent se démarquer d’un tel point de vue. Que ce soit par sympathie pour des « régimes forts » dans la région vus comme défiant les Etats-Unis - ainsi Christian Bouchet, dirigeant du FN à Nantes et héritier du mouvement « Troisième Voie » des années 1990 (d’inspiration dite « national-bolchévique », à ne pas confondre avec le groupe de Serge Ayoub), soutient les régimes iraniens et syriens, au discours anti-israélien -, ou tout simplement par antisémitisme.

Le 26 juillet dernier à Paris, une soixantaine de personnes ont été interpellées sur la voie publique, dont la plupart pour participation à une manifestation non autorisée. Mais certaines de ces personnes ont aussi été interpellées loin du rassemblement (interdit, mais ayant pu se tenir) de la place de la République. Certains des interpellés avaient, en effet, tenté de monter une expédition punitive qui se dirigeait vers le Marais, pour cibler les restaurants juifs qui y sont implantés. Lors du procès en comparution immédiate, un certain « Adrien », âgé de 18 ans – condamné à quatre mois de prison dont deux mois ferme -, a clamé sa proximité avec « les idées du Front national ». Jordan Bardella, secrétaire départemental du FN dans la Seine-Saint-Denis, a précisé que le jeune Adrien n’était pas membre de son parti, mais avait bel et bien été candidat sur une liste municipale du FN, en mars 2014, en y ajoutant comme pour relativiser : « comme un million de Français ». (Il ne doit pas y avoir confusion entre ce type de militant, apparemment motivé par des réflexes antisémites sinon par une véritable idéologie antisémite, et les manifestant-e-s venus soutenir les Palestinien-ne-s de Gaza appartenant pour l’essentiel ou à la gauche ou aux populations d’origine immigrée.)

Les dirigeants du FN ont cherché à éviter les prises de positions polémiques. La plupart du temps, le parti s’en est tenu à une position d’apparente neutralité entre les parties au conflit de Gaza, déclarant qu’il fallait surtout œuvrer pour éviter ou empêcher « l’importation du conflit en France ». La présence de manifestant-e-s dans les rues françaises étaient vigoureusement dénoncée, par exemple par Louis Aliot, qui demanda aux « partisans de l’une des parties » belligérantes en présence, mais « surtout aux pro-Palestiniens » de quitter la France afin de faire la guerre sur place, au Proche-Orient. (D’autres acteurs politiques se sont offusqués de la présence de « drapeaux étrangers » lors de telles manifestations, dont le maire UMP de Nice, Christian Estrosi. Ce dernier a tenté d’interdite les rassemblements pro-palestiniens dans « sa » ville, mais sans grand succès dans la pratique.)

Marine Le Pen plaide la cause de la LDJ

Le 1er août 2014, Marine Le Pen a cependant surpris par une position qui rompait avec l’apparente neutralité que son parti semblait cultiver. Ce jour-là, la présidente du FN a défendu la « Ligue de défense juive » (LDJ), déclarant que celle-ci était nécessaire parce qu’ « il y a un grand nombre de juifs qui se sentent en insécurité ». L’avant-veille, le 30 juillet, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve avait annoncé une procédure visant à examiner une dissolution éventuelle de la LDJ.
Celle-ci est en effet un groupe violent qui a largement contribué à provoquer des incidents à proximité de synagogues à Paris 11e – rue de la Roquette, le 13 juillet dernier – ou à Sarcelles, le 19 juillet. Elle s’était rassemblée en ces lieux, en l’annonçant plusieurs jours à l’avance sur Facebook et Internet, cherchant à provoquer des altercations dans ou en marge de manifestations pro-palestiniennes. A cette occasion, la LDJ avait mobilisé plusieurs dizaines de militants et sympathisants armés de barres de fer et de battes de base-ball,

La LDJ, qui peut mobiliser environ 250 nervis en région parisienne, n’en était pas à son coup d’essai en matière de violence. En février 2007, son principal dirigeant, Antony Attal, et plusieurs de ses acolytes avaient ainsi agressé et blessé deux éboueurs de la ville de Paris, d’origine sénégalaise et mauritanienne, à l’aide de casques de moto et de pieds de table. Cette agression leur avait valu des peines de prison de plusieurs années. Le même Antony Attal avait participé, les 11 et 12 novembre 2006 au Bourget, à la « Convention présidentielle » de Jean-Marie Le Pen, événement organisé en vue de l’élection présidentielle d’avril 2007… auquel avait également participé le provocateur antisémite Dieudonné M’bala M’bala, qui n’est pourtant pas réputé être du même bord. L’extrême droite est souvent un nid de contradictions.

Un extrémisme juif, proche de l’extrême droite

La LDJ n’a pas d’existence légale et ne dispose pas de structures formelles en France. Mais elle s’y est implantée de fait au début des années 2000, en réaction aux mobilisations et débats qui se déroulaient au moment de la « Seconde Intifada ». Elle est la filiale française d’une petite Internationale raciste, dont le principal groupe est d’abord constitué par la « Jewish Defence League », JDL (dont le nom est identique à celui de la LDJ en français), fondé en 1968 à New York.
Son principal fondateur et dirigeant, le rabbin Meir Kahane, né en 1932 a été tué lors d’un attentat en 1990 à New York. Les premières activités de la JDL visaient à combattre le mouvement d’émancipation noir, et à créer des centres d’entraînement (notamment au judo) dans tous les quartiers de New York afin de se préparer au combat contre les militant-e-s du mouvement noir. Dans une vision relevant de ce qu’on pourrait qualifier de « concurrence victimaire » ou de tentative de monopolisation de la souffrance historique, les racistes qui dirigeaient la JDL voyaient l’émancipation des Afro-Américains d’un mauvais œil : ils et elles se réclamaient d’une qualité de victimes d’un Crime contre l’Humanité - l’esclavage - et d’un racisme séculaire, qualité dont la JDL estimait qu’elle devait être exclusivement réservée aux victimes de l’antisémitisme et de la Shoah. (Par la suite, il est vrai que pour des raisons quasiment symétriques, certains activistes noirs ont à leur tour sombré dans des ressentiments antijuifs voire dans une idéologie antisémite, à l’instar de Louis Farrakhan, leader du mouvement nord-américain « Nation of islam ».)

En parallèle, la JDL menait des campagnes de soutien actif à la propagande des dirigeants des Etats-Unis ou de la droite américaine contre le bloc soviétique. La politique états-unienne, mise sur la défensive par les protestations planétaires contre la guerre au Vietnam, avait alors découvert la cause des juifs soviétiques – dont il s’agissait de demander le droit d’émigrer – comme un moyen de faire pression sur l’URSS au nom des droits de l’homme. En revanche, à aucun moment, la JDL ne s’est activée contre les antisémites de l’extrême droite nord-américaine, qui ne manquaient pourtant pas alors, du « American Nazi Party » jusqu’à la mouvance du Ku Klux Klan (raciste anti-noire dans son ensemble, et antisémite dans une partie).

Plus tard, la JDL de Meir Kahane fonda un parti politique en Israël, le mouvement raciste et violemment anti-arabe « Kach », qui évolua à la droite des grands partis nationalistes et ultranationalistes (tels que le Likud) mais n’arriva pas à occuper une place importante sur la scène électorale. Kahane fut élu député au parlement israélien en 1984, mais ses scores restaient relativement confidentiels.

Suite à des assassinats et des activités terroristes, la mouvance de Kahane et du « Kach » a été frappée d’interdictions et de mesures de dissolution, à la fois en Israël et aux Etats-Unis. En Israël, c’est le multiple assassinat commis par le colon extrémiste Barouch Goldstein – qui a tué une trentaine de Palestiniens faisant la prière, en février 1994 à Hébron - qui a déclenché la mesure d’interdiction. Cette dernière fut prise en application de la législation antiterroriste. Aux Etats-Unis, c’est suite à des projets d’attentats contre des mosquées fomentés par la mouvance que le FBI l’a classée comme « organisation terroriste », en 2001. Néanmoins, la mouvance n’a pas réellement disparu. En Israël, elle a notamment participé à des mobilisations de la droite et de l’extrême droite en juillet/août 2014, qui se sont opposé aux rassemblements anti-guerre, allant parfois jusqu’à agresser des manifestant/e/s pacifistes.

Il est d’autant plus étonnant que la LDJ française n’ait jamais fait l’objet d’une tentative de dissolution. En France, elle aurait été protégée par le ministre de l’Intérieur puis président de la République Nicolas Sarkozy, en accord avec les milieux les plus conservateurs et droitiers du CRIF qui y voyaient un allié. Depuis de longues années, la LDJ n’a pas dissimulé son caractère extrêmement violent, en attaquant des réunions, expositions ou manifestant-e-s qu’elle considère comme « pro-palestinien ». Le 7 avril 2002 à Paris, ses nervis avaient même grièvement blessé un policier ainsi qu’un cameraman espagnol, en marge d’une manifestation pro-Israël initiée par le CRIF.

Ainsi, il serait grand temps que les autorités prennent enfin ce qu’elles considèrent comme leurs responsabilités. Quant aux antifascistes, ils et elles ne pourront pas faire l’économie d’intégrer la LDJ dans la panoplie de leurs adversaires dangereux, et de mobiliser contre un adversaire qu’une dissolution éventuelle ne ferait probablement pas disparaître.

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