
Editorial du bulletin n° 40-avril 2011
Jusqu’où ira
L’extrême droitisation de l’UMP?
Manœuvres électoralistes ou
lame de fond?
Les résultats des cantonales
marquent l’échec cuisant des tentatives de Nicolas Sarkozy et de la fraction «collectif de la droite populaire»,
l’aile extrême droite de l’UMP, de vouloir banaliser le Front national et ses
thématiques afin d’en faire un allié.
La banalisation des thématiques
de l’extrême droite a commencé bien avant les présidentielles de 2007. Mais
elle a pris une tournure radicale le 30 juillet 2011, lorsque Nicolas Sarkozy a
désigné les Roms et les gens du voyage à la vindicte populaire. Le débat sur «l’identité nationale» ou autres
provocations de ce genre n’ont pas réussi à diviser les Français dont le
chômage est la première priorité (87%), devant l’insécurité (49%) (Le Monde du 04/01/2011).
Les cantonales 2011 montrent bien
que l’électorat de droite- en se détournant de l’UMP- est conscient que la
xénophobie et le racisme d’Etat ne sont pas la réponse à leurs problèmes
économiques et sociaux. Pour Yazid Sabeg, membre de l’UMP et commissaire à la
diversité et à l’égalité des chances : «aux questions de fond telles que l’emploi des jeunes, la lutte
anti-ghetto ou l’accès équitable à l’éducation et à la formation se sont
substitués des pseudo-débats centrés sur ce qui serait une confrontation de
l’islam avec la laïcité. C’est comme si désormais la crise de nos sociétés ne
pouvait s’expliquer qu’à travers la figure des musulmans» (Le Monde du 02 mars 2011).
Une autre preuve du désintérêt
des Français pour les discours racistes. L’intense tapage médiatique autour de
Marine Le Pen, n’a pas empêché la baisse du vote en faveur du Front national
qui perd 100 000 voix par rapport à 2004. Même l’Elysée n’est pas
satisfait des performances du FN. «Le FN
n’a pas transformé l’essai» explique Franck Louvrier, conseiller en
communication de l’Elysée (Le Monde
du 29 mars 2011).
Après la déroute de l’UMP aux
cantonales, les tensions se sont exacerbées entre les ténors de la droite. Pour
Dominique de Villepin «La tentation du
côté de l’UMP, ce serait de redessiner en quelques jours une France aux
couleurs du FN, c’est évidemment absurde.» (DNA du 25 mars 2011).
En public, le torchon brûle entre
François Fillon, premier ministre, et Jean-François Copé, patron de l’UMP, en
danger d’implosion.
A entendre Claude Guéant,
ministre de l’intérieur, tout indique que la machine de l’extrême droitisation
de l’UMP s’est emballée. Politiquement, il serait dangereux de vouloir limiter
les sorties racistes de Nicolas Sarkozy et de ses lieutenants à des manœuvres purement
électoralistes. Ce sont de véritables convictions qui sortent de la bouche de Nicolas
Sarkozy et de ses proches.
Que pense Nicolas Sarkozy de
l’histoire de France? Le 4 mars, au Puy-en-Velay, Nicolas Sarkozy a insisté sur
les racines chrétiennes de la France,
citant le baptême de Clovis comme
date de naissance de celle-ci. Ces propos, partagés par Jean-Marie Le Pen et le
Front national, sont contestés par M. Rioux, président du comité scientifique
de la Maison de l’Histoire de France, pour qui : «Le président de la
République est bien sûr libre, et il a même le devoir de valoriser sa
conception de l’histoire nationale. Mais nous avons été nommément associés à
une vision du passé national que nous ne partageons pas.» (Le Monde du 13-14/03/2011). En qualité de chanoine de Latran,
Nicolas Sarkozy avait affirmé en 2007, que le «christianisme est dans notre ADN». Pour l’éditorialiste de Politis du 10 mars 2011, «ce mélange de
génétique et de religion est antilaïque, et excluant. Idéologiquement, on ne peut
pas faire plus extrême droite que cela.»
Que dit Jean-Marie Le
Pen ? «La France stricto sensu est née à l’aube du Moyen-âge de
l’union subtile du vieux fond indo-européen et du christianisme. «L’union
subtile du vieux fond indo-européen et du christianisme» fait précisément
allusion au baptême de Clovis. Un évènement auquel le Front national venait de
consacrer un ouvrage de plus de 100 pages. (René MONZAT, les voleurs d’avenir- textuel).
Nicolas Sarkozy utilise le
qualificatif ADN, alors que l’extrême droite en général et Jean-Marie Le Pen en
particulier préfèrent le qualificatif «charnel», synonyme de
«biologique», «ethnique».
Nicolas Sarkozy et ses proches
n’hésitent plus à exprimer leurs opinions d’extrême droite. Il ne s’agit plus
de dérapages racistes. Chantal Brunel, député (UMP) de Seine-et-Marne,
intervenant mardi 8 mars à l’Assemblée nationale, a estimé qu’il fallait «rassurer les Français sur toutes les
migrations de populations qui viendraient de la Méditerranée ». «Après tout, remettons-les dans les bateaux.
Marine Le Pen n’a aucune solution à proposer. Nous, on doit montrer qu’on a des
solutions» (Le Monde du
10/03/2011).
Le ministre de l’intérieur,
Claude Guéant, a déclaré sur Europe 1, jeudi 17 mars, que les Français «ont parfois le sentiment de ne plus être
chez eux.» La veille, il souligné, dans Le
Monde, qu’«ils veulent que la France
reste la France.» (Le Monde du 19
mars 2011). «La France reste la France»
est la version sarkozyste de «la France
aux Français» lepéniste.
Pour stigmatiser leurs
adversaires, le langage de charretier est souvent utilisé par les ténors du «collectif de la droite populaire».
Christian Vanneste, dudit collectif, a déclaré à propos de Sandrine
Mazetier, députée socialiste de Paris, chargée des questions d’immigration au
groupe socialiste à l’Assemblée nationale : «Quand vous entendez des gens comme Sandrine Mazetier, vous croyez vous
rappeler la notion du parti de l’étrange». «Parti de l’étranger» est un qualificatif utilisé par Jean-Marie Le
Pen pour stigmatiser ses adversaires.
Pour l’éditorialiste de Politis du 10 mars 2011 : «la
droite «décomplexée» de Nicolas Sarkozy ressemble à s’y méprendre à ce qu’on
nommait extrême droite il y a dix ans encore.»
Abderrahmane Dahmane, ancien «conseiller à l’intégration» à l’Elysée,
dit la même chose. «L’UMP de Copé, c’est
la peste pour les musulmans», comparant le patron du parti présidentiel à «une poignée de néonazis» (Le Monde du 13-14/03/2011). Vendredi 11
mars, Nicolas Sarkozy a mis un terme aux fonctions de son conseiller à
l’intégration.
Nicolas Sarkozy, Jean-François
Copé, Gérard Longuet- qui a participé à la rédaction du programme du Front
national et de la charte du GUD- Brice Hortefeux, Eric Besson, Claude Guéant,
Chantal Brunel, la trentaine de députés du «collectif
de la droite populaire» de l’UMP, ouvertement racistes, ça fait un paquet à
la tête de l’Etat. Peut-on encore qualifier cette «tête» de républicaine? La
question mérite d’être posée.